Ligue 2
ASSE – Exclu BUT! Patrick Guillou : « Le club a perdu son identité » (1/2)
Ancien défenseur de l’ASSE, et désormais consultant pour BeIN Sports, diffuseur de la Ligue 2 et des matches des Verts, Patrick Guillou porte un regard éclairé sur le parcours d’un club qui lui est si cher. Entretien sans concession.
Dans votre dernière chronique pour le Progrès, intitulée Coquilles vide au lendemain de la défaite à Bastia, vous n’épargnez personne à l’ASSE. Ni les joueurs, ni les dirigeants et surtout pas eux…
P.G. Il suffit de regarder les matches. J’étais à Bastia pour commenter la rencontre. Assez pour se rendre compte de l’étendue du malaise. En espérant pour tous que la victoire face à Annecy ne soit pas un emplâtre sur une jambe de bois. Que l’on parle des joueurs ou de la direction actuelle, il n’y a pas besoin de faire de longues études pour mesurer l’étendue du problème. Comment expliquez-vous que des joueurs supposés de qualité soient à ce point broyés lorsqu’ils portent notre maillot ? Deux possibilités : soit l’erreur de casting et la direction sportive en portent la paternité. Soit les raisons des problèmes sont systémiques. Je dirai les deux mon général.
Vous avez tout de même une idée ?
P.G. Le club a perdu son identité, ses valeurs mais surtout le plus important à mes yeux : son authenticité. Ajoutez à tout cela l’inexpérience saupoudré d’incompétence. Vous avez là les composantes d’un cocktail explosif. Dans un club de football professionnel, vous ne pouvez pas avoir de l’incompétence à tous les étages et à tous les niveaux. Le fil conducteur qui tient ce château de cartes ne peut être la république des copains, ni la complaisance. C’est surtout « courage fuyons » pour défendre son pré vert et le soupçon de prérogatives de la fonction. La prise de décision de « l’armée mexicaine » Tous assistent impuissants à la dégringolade en se regardant en chiens de faïence. Les actionnaires ont-ils réagi ? Qui donne le cap ? Qui siffle la fin de la récrée ? le manque d’une ligne directrice claire permet à l’ensemble des strates du club de se renvoyer la patate chaude de ce marasme. Les actionnaires en retrait laisse la paternité des échecs à la direction exécutive. Jean François Soucasse, Samuel Rumsten et Loïc Perrin renvoient le mistigri au staff technique et aux joueurs. Et quand tout le monde est dans une impasse, c’est la faute des Ultras. Cela commence à se voir quand même. Quand il n’y a pas d’objectif final annoncé impossible d’atteindre les objectifs intermédiaires. Leadership faible donc par de caractères forts pour mener le bateau à bon part. Et cela dans toutes les composantes du club. Une constante depuis des années : c’est toujours la faute du voisin.
A propos des deux actionnaires, Roland Romeyer et Bernard Caïazzo, comprenez-vous la colère des supporters à leur encontre ?
P.G. Mais comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? Le club a perdu son identité et surtout en panne de résultats. Les deux présidents feignent de ne pas attendre l’opinion publique. Dans certaines circonstances même de les snober. Curieuse impression que l’ASSE est devenue le jouet des actionnaires. Or par définition un jouet ça se casse. Avez-vous lu ou entendu un des deux actionnaires passer un message fort ? Qu’ils ont commis des erreurs ? Qu’ils sont responsables d’un club qui n’a plus de résultats depuis quatre ans ? Rien. Tout le monde, je dis bien tout le monde, supporters, glorieux anciens, amoureux du club apportent des pistes de réflexion. D’une, ils ne sont pas preneurs parce que cela montrerait qu’ils ne sont pas bons, deux ils veulent démontrer qu’ils ont raison contre tous. On sait généralement comment l’histoire finit.
Comment le savoir puisqu’ils ne communiquent jamais ?
P.G. C’est un doux euphémisme. Regardez d’ailleurs le début de saison. Le seul à assumer publiquement la politique générale du club c’était Laurent Batlles. Il est monté seul au front. Il a assumé seul les problèmes des résultats, les joueurs en partance au mercato estival et avec les supporters. Il a perdu une énergie folle. Il ne s’est pas consacré à son métier d’entraîneur. Donc il a perdu en lucidité. Personne de la direction pour le protéger. Chacun cherchait la meilleure planque en attendant des jours meilleurs.
"Le mercato estival est symboliquement l’effet loupe de l’incompétence. C’est comme si tu voulais monter le spectacle du chant du cygne et que tu prends des danseurs de hip-hop pour le réaliser."
On pourra toujours vous rétorquer que seuls les joueurs sont sur le terrain et qu’à un certain moment, les deux actionnaires-présidents ne sont pas sur le terrain ?
P.G. Évidemment qu’ils ont leur part de responsabilité. Mais je rétorquerai pour les défendre qu’une seule chose devrait guider l’attitude de la direction exécutive : la logique sportive. Où est-elle à l’ASSE ? Quel est l’objectif ? Quelle est l’ambition? Quelle sont les valeurs ? Les actionnaires ont tout faux depuis 4 ans : sur la politique générale, sur les ambitions sportives, sur le choix des hommes, sur le choix des entraîneurs et sur les joueurs. Comme au loto, ils ont fait carton plein. L’analyse profonde des échecs n’a jamais été faite. Les bonnes questions ne sont jamais posées. Regardez l’échec tonitruant du mercato estival. Incroyable ce manque d’humilité et de respect par rapport au championnat de Ligue 2. Tout le monde au club pensait que ça allait être une balade de santé parce que c’est l’AS SAINT ETIENNE. A l’arrivée c’est un véritable chemin de croix. Le mercato estival est symboliquement l’effet loupe de l’incompétence. C’est comme si tu voulais monter le spectacle du chant du cygne et que tu prends des danseurs de hip-hop pour le réaliser.
A ce jour, et tant qu’ils ne recevront pas d’offre financière intéressante, Romeyer et Caïazzo resteront au club et refuseront de lâcher leurs parts. Ce qui peut se comprendre…
P.G. Voilà, je vous parlais de logique sportive. Vous me parlez de logique financière. Pour trouver un acheteur, il faut d’abord être vendeur ! Je ne suis pas certain qu’ils le soient malgré les effets d’annonce. Cette vente ressort toujours du chapeau au bon moment. Comme pour cacher l’essentiel. Ça commence vraiment à se voir. Au moins on aura voyagé grâce à cette chimère : États-Unis, Suisse, Russie, Thaïlande, Moyen Orient, Angleterre… Quelle fumisterie quand même avec du recul. Et tout cela sur la crédulité de la seule force vive : le supporter.
Un mot, tout de même, sur Jean-François Soucasse, le président exécutif du club. Que pensez-vous de son action ?
P.G. Je le connais. J’ai joué avec lui à l’Asse. Malgré les résultats sportifs décevants, humainement j’ai passé de très bons moments avec lui. C’est clairement un homme de l’ombre. Hyper intelligent il surnage dans ce marasme. Je crois qu’il est plus intelligent que l’intelligence additionnée de tous ses interlocuteurs au club. Une éminence grise capable de tirer les ficelles sans porter la paternité des décisions prises. Il trouvera toujours un fusible. Il anticipe quand cela devient un peu chaud pour lui. Je constate qu’il est sorti deux fois du bois cette saison. La première pour sauver des têtes après Rodez. Et début 2023 pour une annoncer la saison du renouveau. Il sait, puisque il est intelligent, que comme au poker, il abat sa dernière carte et qu’il fait tapis. Je vais faire comme lui. Je vais positiver.
Dans la direction, il y a également Loïc Perrin, véritable icône du Peuple Vert qui, pourtant, commence à recevoir quelques critiques…
P.G. Replacer les choses dans le contexte d’abord. Quand Jean François Soucasse fait appel à lui après l’éviction du manager général castrais, Loïc naviguait à tous les étages du club. Sans poste véritablement défini. En journalisme, on appellerait cela un « volant ». Il se trouve au milieu du pont avec un costume trop grand pour lui. Bienvenu dans la galère. Alors il fait une formation en accélérée. Il prend des décisions fortes. Refuse de donner le poste à Julien Sablé et nomme le héros de Haute Savoie entraineur. Bien aiguillé par Jean François Soucasse au passage. Comment pourrait-on franchement taper sur Loïc, alors qu’en arrivant il avait ni l’expérience ni réseau ? Loïc a été incontestablement un très grand joueur du club. Seul le présent dira s’il est un grand dirigeant. Être coordinateur sportif de nos jours, c’est 7 jours sur 7 de boulot, 18 heures sur 24, voir des matches à la pelle, avoir son propre réseau. Peut-être pour ces raisons que deux anciens directeurs sportifs ont été embauchés.
Retrouvez dès demain sur notre site la seconde partie de l'entretien accordé par Patrick Guillou.
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