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ASSE : Georges Bereta, une Verte légende s’est éteinte

Après Robert Herbin, et Gérard Farison, l’ASSE vient une fois encore de perdre l’un de ses plus grands représentants. Georges Bereta, l’enfant de Montreynaud, a tiré sa révérence.

Une conséquence du temps qui passe. De ces images qui jaunissent et de nos héros d'antan qui succombent. Ils sont trois, parmi les plus grands, à avoir récemment tiré leur révérence. Le Sphinx, alias Robert Herbin, l'un de ses anciens partenaires, puis joueur, Jojo de Montreynaud, alias Georges Bereta, et Tachan, surnom affectueux donné à Gérard Farison en raison de sa ressemblance avec un chanteur français des années 70 (Henri Tachan). Pour chacun d'entre-eux, des exploits gravés dans nos coeurs et des histoires hors-normes. Et celle de Bereta est bien entendu unique. 
 
On le savait, bien avant que le groupe Rita Mitsouko ou la réalisatrice Anne Fontaine ne se penchent sur le sujet, les histoires d’amour finissent mal, en général. Bereta en sait quelque chose, lui, l’enfant de Sainté, grandi au sein de l’école ASSE et vendu, contre son gré à l’ennemi juré de l'époque, l’Olympique de Marseille.
Les histoires d’amour finissent mal, en général, mais celle de Bereta avait débuté comme un conte de fées. Un fils d’immigré polonais, venu dans le Forez pour travailler à la mine, né à Montreynaud et arrivé à l’ASSE en catégorie minimes pour y gravir tous les échelons, jusqu’à disputer la finale de Coupe Gambardella (perdue), face au Stade de Reims.
Jean Snella, entraîneur des Verts d'alors, n’est pourtant pas convaincu par les qualités naturelles du garçon. Raison pour laquelle Bereta reste éloigné de l’équipe première et gagne sa vie dans une armurerie. C'est Hervé Revelli, buteur stéphanois en herbe, qui va changer le cours des choses et notamment la vie de Bereta. En équipe de France militaires, on demande ainsi à quelques joueurs s’ils ne connaissent pas un gaucher talentueux, susceptible de rejoindre le bataillon de Joinville et d’intégrer la formation. Certains joueurs n'ont pas de réponses et encore moins de noms à donner. Revelli, si, et donne le nom de Bereta qui ne va pas décevoir. A tel point que même Jean Snella, un temps sceptique, va finir par accorder sa confiance au joueur.
 

Meilleur joueur français en 1973 et 1974.

Bereta n’a besoin que de quelques minutes sous le maillot vert pour mettre tout le monde d’accord. Premier match le 20 novembre 1966 et première victoire (4-1) au stade Geoffroy-Guichard, face à Lille. Premier but le 22 janvier 1967 lors d’un carton mémorable face à l’OGC Nice (7-0). Vingt-deux rencontres en qualité de titulaire, trois buts et un titre de champion de France suivent.
L’ailier gauche aux dribbles dévastateurs est aussitôt convoqué en équipe de France. Il fête sa toute première cape face au Luxembourg le 23 décembre 1967. En Vert ou en Bleu, Bereta accumule les trophées. Cinq titres de champion de France consécutifs (1967, 68, 69, 70, 74), trois Coupes (1968, 70, 74), 44 sélections avec l’équipe nationale. Il s’offre un luxe suprême, celui de marquer le premier but des Bleus au Parc des Princes lors du match d’inauguration du stade de la Porte de Saint-Cloud, face à l’Union Soviétique. À tout cela s’ajoutent deux distinctions majeures : il est désigné meilleur joueur français par le magazine France Football en 1973 et 1974.
Albert Batteux et Robert Herbin, les deux entraîneurs qui vont ensuite le diriger, lui accordent une entière confiance. Le Sphinx décide même d'en faire son capitaine. Décisif dans l’Hexagone, Bereta l’est également lors des joutes européennes. La campagne 1974-75 débute par une victoire 2-0 face au Sporting Portugal en 16es de finale de la Coupe des champions (il signe le deuxième but). Le 6 novembre 1974 contre l’Hajduk Split, dans ce qui deviendra l’un des plus grands faits d’armes de l’histoire de l’ASSE, Bereta marque le troisième des cinq buts stéphanois, sur penalty (un 5-1 après prolongation qui « efface » le 4-1 de l’aller). Bereta par-ci, Bereta par-là, le Stéphanois est devenu prophète en son pays. Décisif, incontournable. Et rien, vraiment, ne laisse imaginer ce qui va tristement suivre;
Car c'est à cet instant, alors que l'ASSE se rapproche de son panthéon européen, que l’histoire bégaie. Qu'elle finit mal, très mal, sans que personne ne comprenne l'épilogue cinquante ans après.

Un transfert réalisé dans son dos

Au début du mois de décembre 1974, et sans que Bereta en soit averti, le président Roger Rocher négocie son transfert. Les finances de l'ASSE posent problème, manque de trésorerie paraît-il. Il faut vendre et vite. Et peu importe, du moins pour Rocher, qu’un accord entre deux clubs se fasse dans le dos du joueur. Président de l’Olympique de Marseille, Fernand Méric propose 500 000 francs de l’époque au Boss des Verts pour un transfert. Le salaire de Bereta est multiplié par deux.
Le 2 décembre 1974, alors que Bereta n’a toujours pas été mis au courant…, le comité directeur de l’ASSE approuve la transaction. C'est une semaine plus tard, et pas avant, que le milieu de terrain s’entretient pour la toute première fois avec l’homme fort de l’OM. Un contrat de 4 ans lui est proposé. Il réserve sa réponse. Bereta le sait : il a l'appui de ses partenaires, de son entraîneur, et imagine plutôt obtenir des émoluments similaires dans son club de coeur. L’homme à la pipe refuse, mais digère assez mal que la presse s’empare du dossier. Aussi stupéfiant que cela puisse paraître, ce n'est pas l'attitude du club stéphanois qui est dénoncée, encore moins celle de Roger Rocher. Seul Georges Bereta est montré du doigt, qualifié par certains supporters de traître.
Raison pour laquelle, sans doute, Bereta se décide à parler le 11 décembre 1974, face aux caméras, en marge de son dernier entraînement à l’AS Saint-Étienne. "C’est difficile de quitter son pays, son club. Mais comme on ne me retient pas, autant que j’aille voir ailleurs. Si on m’avait proposé de poursuivre, je serais resté. J’aurais fait des sacrifices. Mais le fait que M. Rocher ne me retienne pas et que ‘‘Robby’’ ne me retienne pas non plus… » (INA, 11 décembre 1974) Pendant neuf ans, Georges Bereta se sera construit une carrière exceptionnelle sous le maillot des Verts. Son maillot. Il aura tout perdu en quinze jours, en décembre 1974. Ce départ contraint et forcé lui donnera, à jamais, un goût amer. Il le sera encore plus par la suite : c’est devant son poste de télévision qu’il a vu l’ASSE forger sa légende européenne. Kiev, Eindhoven et les poteaux carrés de Glasgow, ce sera sans Bereta. "Je me suis senti trahi. On a voulu faire croire que ce départ était de mon fait alors que Roger Rocher l’avait programmé pour renflouer les caisses. Il était (hyper) fort pour faire passer ses messages via la presse. En plus d’être un bon dirigeant, il savait manipuler les médias. Je ne lui ai plus jamais reparlé, ni serré la main." 
Le 3 mai 1975, le stade Geoffroy-Guichard est plein comme un œuf. Bereta et l’OM sont de passage dans le Forez. Match capital avec deux équipes qui se disputent le titre de champion de France. Quatre-vingt-dix minutes plus tard, les Stéphanois, vainqueurs 4-1, effectuent un tour d’honneur devant leurs supporters. L’affaire Carnus-Bosquier a été oubliée depuis longtemps. Pas celle de Georges Bereta, raillé et insulté tout au long de la rencontre. Il était aller se réfugier dans le vestiaire visiteurs le cœur meurtri.

Odieuse agression à Gerland

Rien, pourtant, ne le fera changer. Pas même ses années OM ou il ne sera jamais épanoui. C'est fort logiquement qu'à sa retraite, il revient s'installer à Sainté et qu'il montre son attachement au club en créant l'amicale des Anciens Verts. Les années passant, sans que jamais son ASSE retrouve le lustre de son époque, Bereta officiera au sein du club dans des fonctions différentes. A la formation, à la cellule recrutement afin de dénicher des potentiels talents, au conseil d'administration en qualité de membre. En 2013, il est nommé Ambassadeur à vie de l'ASSE, statut qui confirme le poids de son histoire personnelle au sein du club. Mais en 2015, lors d'un derby à Lyon, il est agressé à la sortie du stade par de pseudo-supporters lyonnais. Une agression scandaleuse qui va lui faire perdre son amour du football et sa passion des stades. Bereta devra même consulter un psychothérapeute, avaler des cachets et, pour couronner le tout, sera victime d'un Accident Vasculaire Cerébral (AVC) en 2016. Plus discret, par la force des choses, "Berete" luttait depuis plusieurs mois contre une longue et terrible maladie. Il s'est éteint, le 5 juillet dernier, à l'âge de 77 ans. Nous laissant avec nos souvenirs et l'image, indélébile, d'un très grand Monsieur. Reposez en paix Monsieur Bereta.

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