L’instant OM : Bielsa, Villas-Boas et l’art délicat de provoquer l’adhésion
Supporter de l’OM devant l’éternel (qui, pour lui, s’appelle Raymond Goethals), Raphaël Nouet revient chaque mercredi soir sur l’actualité chaude de son club de cÅ“ur.
Actuellement, je suis plongé dans la lecture du passionnant ‘OM-Bielsa, enquàªte sur une relation passionnelle’ (éditions Amphora, 191 pages. Un ouvrage signé Mourad Aerts, excellente plume Å“uvrant sur le site footballclubdemarseille.fr. On replonge avec bonheur cinq ans en arrière, quand le célèbre entraà®neur argentin avait ravivé la flamme du Vélodrome avec un jeu à nul autre pareil. Pendant douze mois, les supporters de l’OM que nous sommes avaient ràªvé comme rarement depuis trente ans.
Marcelo Bielsa, c’est un àªtre à part, complexe au possible, avec une droiture morale flirtant dangereusement avec la rectitude, qui ne fait aucun compromis à quelque niveau que ce soit. Rien à voir ou presque avec la bonhommie teintée de malice d’André Villas-Boas. Pourtant, force est de constater que les deux hommes ont su fédérer leur effectif et les supporters à leur vision des choses.
Et cela, personne d’autre dans l’histoire moderne de l’OM – entendez par là depuis que les supporters ont le pouvoir de couper des tàªtes – n’y est parvenu. Pas màªme un Didier Deschamps capable de ramener des titres sur la Canebière. Trois mois avant que DD remporte la Coupe de la Ligue, le Vélodrome réclamait sa tàªte un soir de défaite contre Auxerre, juste avant la tràªve. Et en 2012, ce sont les sifflets des virages qui l’ont convaincu qu’il avait perdu la guerre avec José Anigo.
Donc voilà , peut-àªtre que dans quatre heures, Villas-Boas aura la certitude de ne remporter aucun trophée cette saison, comme Bielsa en 2014/15. Peut-àªtre màªme que dans trois mois, il verra la Champions League lui passer sous le nez, comme Bielsa. Et peut-àªtre enfin démissionnera-t-il durant l’été alors qu’on ne s’y attendra pas, comme Bielsa. Mais quelle trace aura-t-il laissée !
Et tout à§a avec une méthode simple, consistant à ne pas prendre les supporters pour des jambons. Il n’y a pas de moyens pour recruter ? Bielsa comme Villas-Boas le disent. Leur équipe n’a pas été bonne ? Ils le disent, prenant leurs responsabilités. Quand ils sont contents, ils distribuent les bons points ; quand ils sont fâchés, ils allument ceux qui les ont braqués. C’est d’une simplicité tellement incroyable qu’on ne comprend pas comment à§a peut échapper aux entraà®neurs franà§ais.
Et n’allez pas y voir un problème de langage. Car Bielsa avait un discours d’une précision chirurgicale que ses traducteurs devaient parfaitement dire en franà§ais. Villas-Boas, lui, fait l’effort de parler notre langue, hésite parfois mais sait très bien se faire comprendre quand, au hasard, il n’apprécie pas les manÅ“uvres de son président en coulisses.
Si ce n’est pas un problème de langage, c’est donc une question d’intelligence. Je n’en démords pas : nous ne sommes pas un pays de football. Ce qui fait que màªme les plus passionnés d’entre nous ne peuvent comprendre la faà§on dont les Argentins ou les Portugais vivent le football. Chez eux, c’est véritablement un art de vivre. Chez nous, c’est un métier ou un loisir. Les joueurs sentent quand ils ont à faire à des passionnés ou à des salariés. Ce soir, ils auront un passionné dans leur vestiaire et un ancien salarié dans celui d’à côté. Croisons les doigts pour qu’ils fassent le nécessaire afin que Villas-Boas ait un titre en fin de saison pour se différencier de Bielsa. Allez l’OM !