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ASSE – Exclu BUT ! – Julien Jurdie (AG2R Citroën) : « Aucun stade ne peut rivaliser avec Geoffroy-Guichard »

Directeur Sportif de l’équipe AG2R-Citroën très performante sur le dernier Tour de France, Julien Jurdie est aussi un grand fan de l'A.S.S.E. Résidant à La Talaudière, le Stéphanois, proche de Christophe Galtier, à‰lie Baup ou encore Roland Romeyer, évoque sa passion pour le maillot Vert.

But !: Tout d'abord Julien qu’avez-vous pensé de votre équipe sur cette dernière édition du Tour de France ?

 

Julien JURDIE : C'était très satisfaisant. L’équipe a été au-delà de nos espérances. On souhaitait remporter une étape, comme 23 autres équipes, et seulement huit y sont parvenues. La cerise sur le gâteau, c’est Ben O’Connor dans le Top 5 du Tour de France. Je savais qu’il était capable de jouer le Top 10. Mais on connaît la grosse pression sur ce genre d’événement, et c’est un soulagement d’avoir répondu présent. 4e, c'est super.

 

Un peu déçu pour certains Français ? 

C’était un peu plus compliqué. Ces dernières années, que ce soit avec Romain Bardet, Thibaut Pinot ou Julian Alaphilippe, on avait des coureurs capables de rivaliser avec les meilleurs. C’était moins le cas cette année. Julian a porté une journée le maillot jaune, c’était un peu plus dur par la suite. Mais ce Tour de France a été très intéressant sur le point de vue du spectacle, avec des chutes, de la tension sur le peloton, avec un scénario avec un Pogacar au-dessus du lot.

 

Vous êtes directeur sportif d’une équipe de cyclisme, voyez-vous des similitudes entre la gestion d’un groupe de haut niveau en cyclisme et en foot ?

 Forcément. Ce sont deux sports différents, mais il en existe. J’ai eu la chance de pouvoir échanger pendant de longues années avec Christophe Galtier lors de son passage à l’A.S.S.E ou encore Élie Baup. J’avais invité Christophe Galtier sur le Tour de France lors d’une étape de montagne où Romain Bardet avait terminé 3e. Il avait passé 24h en inside avec nous et il avait découvert quelque chose de différent. La gestion des egos est cruciale, comme dans le football. Le cyclisme est certainement en avance sur les petits détails du quotidien et cela avait surpris Christophe. Les similitudes se retrouvent dans le coaching, la sélection des huit coureurs pour le Tour par exemple, comme dans le football. Choisir les bons mecs. On en prend 8 sur 30, il faut compter avec les blessés, les hors de forme, les jeunes, les cadres.

 

Ça n’est plus vraiment un sport individuel …

 Oui, c’est ce que je dis à mes coureurs : c’est un sport individuel qui se pratique en équipe. Petit à petit, le grand public le comprend.

 

Vous êtes un supporter de l’ASSE, d’où vient cette passion des Verts ?

Dès ma naissance en 1973, je pense. Quand on nait à Saint-Étienne, on n’a pas le choix. C’est une ville qui sent le football, et pourtant, je n’ai jamais pratiqué le football en club. Dans ma famille, ça ne jouait pas, mais on allait au match. Le grand-père, le père… J’ai commencé à aller voir les rencontres dans les années 80.

 

Et depuis, vous avez l'appel du Chaudron ?

C'est ça ! On va tous vibrer dans le Chaudron malgré les passages difficiles. Il faut être né à Saint-Étienne pour comprendre l’importance de ce club, c’est ancré en nous.

 

« Avec du budget, Galtier aurait pu installer l’A.S.S.E dans le Top 3 »

 

Vous suivez l'ASSE au quotidien ?

Je suis les résultats n’importe où, même pendant les compétitions. Je regarde les matchs sur mon téléphone à table, pendant les courses en jetant discrètement un oeil sur l’évolution du score. Ça me prend aux tripes. En plein coaching, je vois que l’A.S.S.E a gagné, ça peut me donner des ailes ! De plus, j’ai eu la chance de connaître Roland Romeyer, Élie Baup, qui m’ont fait découvrir l’intérieur du club. Je n’oublierai jamais ça. Ce sont de grands moments pour un fidèle supporter. 

 

Vous avez eu l’opportunité de côtoyer Christophe Galtier lors de son passage chez les Verts, pensiez-vous qu’il était capable de remporter un titre avec une autre équipe de Ligue 1 ?

C’est toujours facile à dire après. En dehors du sens tactique que doit avoir un entraîneur, Christophe est excellent dans la gestion de ses troupes. Il sait allier souplesse et rigueur. Il faut savoir tout gérer, dire les vérités, laisser passer certains comportements. Quand un groupe se sent bien, il donnera le maximum. Christophe sait arrondir les angles dans les moments de tensions, tout en pouvant taper du poing sur la table. C’est l’un des meilleurs pour tirer le maximum d’un effectif. C’est ce qu’il s’est passé avec Lille. Il était loin d’avoir le meilleur effectif et pourtant. Il joue avec l’émotion de ses troupes. Tactiquement, il est aussi très bon. 

 

Finalement, c’est peut-être le budget qui lui manquait pour aller plus haut avec les Verts ?

On a vu qu’il accédait régulièrement au Top 5 avec les Verts. Logiquement, avec une équipe plus forte sur le papier, il pouvait aller chercher le podium. Le problème est là, l’argent, c’est le nerf de la guerre. À Saint-Étienne, il était bloqué financièrement. C’est un grand regret, car avec du budget, il aurait pu installer l’A.S.S.E dans le Top 3 du football français comme il l'a fait à Lille. Au bout d’un moment, il était en fin de cycle, il ne pouvait pas faire des tours de magie. C’est déjà grand ce qu’il a réussi. Il a eu beaucoup de frustration, il avait envie de continuer avec l’A.S.S.E avec plus d’argent. Les présidents ne pouvaient pas suivre malheureusement. Ils étaient bloqués par les budgets.

 

« Au bout d’un moment, il faut transmettre le flambeau et les deux présidents l’ont compris. Cependant, les millions des investisseurs étrangers sont-ils réellement la solution ? »

 

Après son départ, l’A.S.S.E a pourtant investi sur le marché !

Il a forcément eu de la frustration par rapport à ça oui. Ou au moins des regrets.

 

L’A.S.S.E se retrouve à un tournant de son histoire. Bernard Caïazzo et Roland Romeyer ont annoncé vouloir vendre le club. Quel est votre regard là-dessus ?

C’est un débat éternel. Est-ce l’année de trop pour les deux présidents ? J’arrive à comprendre Roland qui a peut-être du mal à laisser la main. Mais il a tellement donné pour ce club… Après, il reste lucide et sait qu’il doit laisser les nouveaux investisseurs venir. Au bout d’un moment, il faut transmettre le flambeau et les deux présidents l’ont compris. Cependant, les millions des investisseurs étrangers sont-ils réellement la solution ?  Certains clubs ont prouvé que non. À travers les différentes crises, sanitaires, droits TV, ça devient de plus en plus complexe et je n’aimerais pas être à la place des présidents. 

 

Avez-vous déjà échangé avec Claude Puel ?

Non. J’ai eu la chance de pouvoir le faire avec Élie Baup et Christophe Galtier, et c'est vrai que j’aimerais bien pouvoir en faire de même avec Claude Puel. Je sais qu’il aime bien le vélo en plus. J’ai vu passer des vidéos, il est toujours aussi affûté, il court avec ses joueurs. Je fais pareil sur le vélo avec mes coureurs. Ce serait intéressant d'échanger.

 

Claude Puel a instauré une politique axée autour des jeunes, en partie par manque de moyens. Est-ce réellement viable à long terme ?

Franchement, heureusement que Romain Hamouma a pu prolonger… C’était l’appréhension que j’avais, que tous les cadres partent. C’est la même chose dans mon métier de directeur sportif. Il faut trouver un mélange entre l’expérience, qui est nécessaire, et la jeunesse, qui bouscule la hiérarchie. À un moment donné, j’ai trouvé que Claude Puel jouait beaucoup avec nos nerfs en alignant des équipes très jeunes. En étant dans le milieu du sport professionnel depuis plus de 15 ans, j’ai parfois eu du mal à comprendre ses choix. Mais encore une fois, je ne suis pas dans le vestiaire. Le quotidien change tout, le coach et son adjoint choisissent le meilleur onze en ayant vu ce qu’il s’est passé à l’entraînement la semaine, dans le vestiaire. Mais j’ai parfois trouvé qu’il y avait un déséquilibre entre la jeunesse et l’expérience. On a sûrement perdu des points à cause de ça.

 

C’est aussi une manière d’offrir de l’expérience à ses jeunes …

Oui, ils ont déjà mangé pas mal de matchs de Ligue 1 et pris en maturité. C’était une saison compliquée. Les jeunes, au lieu de mettre trois ans à apprendre, n’en mettront peut-être qu’un. L’exemple parfait, c’est Mahdi Camara. À 23 ans, il devient le capitaine de l’A.S.S.E. Le dernier exercice lui a énormément apporté sur le plan mental. Les jeunes vont tous grandir plus vite que dans une autre équipe de Ligue 1.

 

Êtes-vous moins inquiet que la saison dernière ?

Sensiblement pareil. Il y a encore des cadres, mais c’est surtout la quantité qui me fait peur. En cas de trop nombreux pépins, Claude Puel peut rapidement se trouver à court de solutions. Wahbi Khazri a l’air super bien, Denis Bouanga aussi. C’est à eux d’apporter les résultats. Si tout roule dans le bon sens, sur le papier, ça a l’air sympa. Quand on regarde le onze de départ, c’est assez joli. Après, il faut espérer être chanceux sur les blessés, car on a un groupe restreint.

 

Quel joueur imaginez-vous prendre une autre dimension cette saison ?

On a tellement eu un manque d’avant-centre ces dernières années que j’aimerais voir Charles Abi prendre de l’importance. Il a un bon physique, il est grand, il paraît à l’aise dans la surface. J’aimerais qu’il puisse passer un cap mentalement, inscrire ses 10, 12, 15 buts dans l’année. Il a appris beaucoup malgré les difficultés l’an dernier. Il doit rapidement trouver la confiance. J’espère qu’il sera la bonne révélation. On a besoin d’un vrai attaquant.

 

Ce qui peut aussi faire la différence, c’est le retour des supporters dans le Chaudron ! 

Oui. On vit une période compliquée et j’espère qu’on pourra quand même retrouver le stade. Honnêtement, j’ai fait de nombreux stades, et je ne retrouve pas ça ailleurs. Je chambre beaucoup mes copains lyonnais là-dessus. Niveau ambiance, aucun stade ne peut rivaliser avec Geoffroy-Guichard. Le Vélodrome, peut-être, mais Geoffroy-Guichard, c'est vraiment quelque chose… J’ai eu la chance de vivre un derby en bord de terrain et c’est exceptionnel. C’est une chance pour les joueurs de pouvoir s’appuyer sur un tel public. La ferveur populaire est incroyable. Ça nous manque. Les supporters sont là pour aider les joueurs à se transcender.  On le retrouve aussi dans le vélo quand les coureurs sont acclamés par des milliers de spectateurs.

 

Qu’est ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?

Je me ressource avant le Tour d’Espagne. On rêve de faire la passe de trois. On a gagné une étape sur le Giro, une sur le Tour de France, il faut faire l’Espagne. C’est l’objectif, gagner une étape. L’équipe n’a jamais fait le triplé sur la même saison. C’est un joli challenge avec Paris-Roubaix et le Tour de Lombardie.

 

Entretien réalisé par Antoine CHIRAT

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