‘Pour l'ensemble des confrères journalistes, Emiliano Sala n'était pas ce qu'on appelle, dans notre jargon, un excellent client. Non pas que le garà§on rechignait à s'exprimer, qui plus est dans un franà§ais impeccable (il avait màªme pris le temps de lâcher deux-trois phrases un soir à la Beaujoire après un match alors que sa maman, venue spécialement d'Argentine, l'attendait plus loin), mais son propos, avouons-le, était souvent linéaire, une sorte de robinet d'eau tiède sans la fameuse petite phrase qu'affectionnent tant les médias pour faire le buzz.
Non, Emiliano Sala n'était pas du genre à dégoupiller comme certains peuvent le faire pour dresser une sorte d'écran de fumée derrière lequel cacher leur incompétence ou le manque de réussite de l'équipe. Emiliano Sala, devant les micros après un match durant lequel il a marqué un, deux, voire trois buts, c'était la simple joie d'àªtre là , la modestie et aussi la mise en avant du travail collectif.
Et chez lui, on sentait surtout que ce dernier point n'était pas un élément de langage servi à toutes les sauces. Le collectif, c'était à§a qui primait. Joueur généreux sur le terrain, véritable poison pour les défenses adverses et homme de valeur, il a su se faire apprécier partout où il est passé, et màªme là où il n'est pas passé. L'avalanche d'hommages venant du monde (entier) du football, ce mardi après la disparition de son avion en attestent. En zone mixte, là où s'arràªtent (de moins en moins souvent) les joueurs après un match face à la presse, la parole d'Emiliano Sala n'avait, donc, rien d'exceptionnel, c'est certain.
Mais en dehors, lorsque c'est l'homme et non plus le footballeur qui prenait le temps de se raconter, là , on entrait vraiment dans ce qu'il était réellement. Passionné de ballon rond, certes, mais pas seulement : amoureux de la nature, il affectionnait les ballades en famille ou entre copains dans son Argentine natale qu'il aimait retrouver dès qu'il le pouvait. Là -bas, Emiliano Sala redevenait Emi, comme l'appelait ses proches. Il s'était aussi mis à la guitare électrique en s'y adonnant deux fois par semaine. Pas dans l'idée de faire une tournée mondiale, juste pour se détendre, disait-il”¦On pourrait parler des heures et noircir d'innombrables pages pour évoquer Emiliano Sala. On pourrait màªme, comme je m'autorise à le faire, parler de lui au passé car techniquement, il n'était plus, en effet, un joueur du FC Nantes.
Mais voilà , Emiliano Sala est toujours présent pour tous les amoureux du club. La preuve avec cet exceptionnel rassemblement qui s'est spontanément formé mardi soir dans le centre-ville de Nantes, sur cette place Royale qui, d'ordinaire, est surtout le théâtre des célébrations de titres, de trophées ou, plus récemment, de (re)montées en L1. Des écharpes, des drapeaux, des maillots et toutes ces fleurs jaunes déposées”¦ màªme Henri Michel, pourtant figure historique de la Maison Jaune disparue en 2018, n'a pas eu d'au-revoir aussi « festif ». C'était le jubilé d'Emiliano Sala. Celui qu'il n'a pas eu le temps d'avoir dans son jardin, cette Beaujoire qu'il avait su séduire dès ses premières foulées, un soir d'août 2015. Car c'est ainsi, le foot, au 21e siècle, est devenu un business dans lequel tout va vite. Trop vite.’
A Nantes, Charles Guyard
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