But !: Patrick, vous étiez très proche de Georges Bereta…
Patrick REVELLI : Bien sûr. Avec Georges, on a vécu de grands moments de vie. On a partagé beaucoup de choses. Il y a eu l'ASSE, évidemment, mais aussi Roanne, Adidas où on a travaillé ensemble pendant 14 ans, et les vacances au Grau du Roi, tous les étés. On aimait s'y retrouver. Saint-Genest Malifaux aussi, à la campagne. C'est 50 ans de vie commune.
Georges vous avait pris sous son aile à votre arrivée dans l'équipe…
C'est vrai qu'on était souvent ensemble. Il m'avait dit un jour : « Maintenant que tu es avec nous, si tu es malade, tu tousses avant d'entrer dans le vestiaire et après, mais jamais dans le vestiaire ». Il ne lâchait jamais rien sur le terrain, il donnait tout et il était tellement déterminé qu'il entraînait tout le monde avec lui.
Quelle image garderez-vous du joueur ?
L'image, c'est Split. On perd 4-1 là bas, on a la tête dans le sac. Mais entre l'aller et le retour, pendant 15 jours il nous a convaincus qu'on pouvait gagner 3-0, qu'on l'avait déjà fait en championnat, que ce n'était pas si difficile, et qu'on le ferait au retour. Georges, c'était un leader, un gros caractère. Quand Herbin a arrêté de jouer et qu'il est devenu entraîneur, il se murmurait que ce serait Jean-Michel Larqué qui prendrait le brassard. Mais pour Georges il n'était pas question que ce soit Jean-Michel ni personne d'autre que lui. Il est allé le dire à Herbin. C'était le plus ancien au club, il était là depuis les Pupilles. Il était natif de Saint-Etienne. « Geogeo de Montreynaud », il aimait qu'on l'appelle comme ça, il était fier d'être Stéphanois, fier de son quartier, de ses origines. C'était un vrai amoureux de l'ASSE. Il avait créé l'amical des Anciens Verts en 84. On avait joué le premier match contre les anciens de l'OL à l'Etivallière avant d'aller voir ensemble France-Yougoslavie à Geoffroy-Guichard, avec le triplé de Platini.
« C'était un précurseur, un fer de lance. Split il était là, le Sporting. Il avait ouvert la voie. Lors du doublé de 74 il était capitaine. Il a été au départ de l'aventure européenne. »
Partir à Marseille avait été un déchirement pour Georges…
Rocher ne lui avait pas laissé le choix. A l'époque, c'était comme ça. Georges lui en a toujours voulu. Il m'avait annoncé son départ dans le bus, en rentrant d'un match amical contre Olympiakos. Je lui avait dit : « ce n'est pas possible, pas toi, tu es le capitaine, pas après Split »… On habitait à côté à l'époque, dans le centre ville, on avait passé la soirée ensemble. Il était écoeuré. Il avait pleuré pendant un mois. Il n'avait fait que six mois à l'OM. Il était revenu et s'était installé à Saint-Genest Malifaux.
Il n'était pas là lors de l'Epopée de 76 mais vous l'avez toujours considéré comme l'un des vôtres…
Bien sûr. C'était un précurseur, un fer de lance. Split il était là, le Sporting, tous ces matches. Il avait ouvert la voie. Lors du doublé de 74 il était capitaine. Il a été au départ de l'aventure européenne. C'était un grand frère, un meneur par sa générosité, sa combativité, son talent. C'était un leader naturel et respecté, au même titre qu'Hervé (Revelli), Gérard (Farison), Oswaldo (Piazza), Ivan (Curkovic) ou Jean-Michel (Larqué). Et lui, il avait en plus d'être un vrai Stéphanois. Et c'était un super joueur. Il avait la force et la finesse. Il adorait faire des passes de l'extérieur du pied gauche, il caressait le ballon. C'était sa marque de fabrique. Il avait une super technique de frappe, il était percutant, il allait toujours de l'avant. Il n'a pas été capitaine de l'équipe de France par hasard. C'était un monument stéphanois.
Et humainement ?
Il a toujours eu de vraies valeurs, l'humilité, la gentillesse. Il était plein de vie, plein d'humour. On se trouvait toujours des moments, notamment pour aller au Grau du Roi. Mais ces trois derniers étés, il n'avait pas pu y aller. On a essayé de l'accompagner dans sa maladie mais c'était dur. Ces derniers temps, quand j'allais le voir, je restais surtout avec son épouse. Il était très affaibli.