Le match est fini, les illusions se sont envolées comme la nuée d’ultras, dégoûtés de ce que personne n’osera appeler spectacle. Au troisième étage, les mines sont en point d’interrogation en tribune de presse. Au bas de l’escalier, l’épouse d’Alex Mahinc, cameraman du club depuis près de cinquante ans, a du mal à cacher ses larmes. Saint-Étienne est sonné, Saint-Étienne vient de prendre la mesure du désespoir, du désastre peut-être. Trois niveaux en dessous, étonnant contraste. Un membre du Conseil de surveillance, venu fureter autour des journalistes, rit à un trait d’humour. A notre remarque « Au moins, il y en a qui s’amusent ici », la réponse pincée fuse « On ne va pas se pendre ».
Certes, mais les idées sont noires. Un très ancien de la com du club, à une époque, autres temps, où il était à lui seul tout le service, ne dormira pas cette nuit « comme dans les heures les plus sombres où je travaillais ». Il ne sera pas le seul à se ronger le foie que d’autres n’ont pas, n’ont pas laissé sur le terrain en tout cas, ni cœur, ni tripes, ni pieds, ni tête. « Je me suis demandé si c’était bien ce même maillot que j’avais porté », s’interrogeait Hervé Revelli, dépité, la colère rentrée, celle qui habite tous ceux qui ont fait la gloire du vert. Il s’étonne de la mansuétude du public qu’un stadier avait toutefois annoncée « ce soir on sera tranquille, le procès suite aux incidents du match contre Auxerre étant programmé cette semaine ». Personne n’avait intérêt à des débordements, personne n’y a jamais intérêt. Mais l’ancien buteur record de l’ASSE a raison quand il rappelle s’être fait bouger par les gradins lorsque l’équipe ronronnait trop. Aujourd’hui, elle dort et personne ne la réveille. Ni le public trop patient jusqu’à en être trop violent, ni les dirigeants, ni le staff, trop conciliant jusqu’à en être déconcertant.
« Ses recrues sont loin d’être des renforts, même pas des joueurs du niveau de la Ligue 2 pour quelques uns »
« Rechercher des responsables est l’arme des faibles » a cru bon d'asséner Jean-François Soucasse qui s’est présenté en salle de presse avec Laurent Batlles, habilement diront certains, effrontément rétorqueront d’autres. Pour tous, face à ses patrons, il a lié son sort à celui de l’entraîneur qu’il a choisi, et pour faire bonne mesure à celui de son adjoint Samuel Rustem et de Loïc Perrin debout tout près, comme les membres de la communication doigt sur la couture. Soucasse sait qu’après avoir fait sauter le fusible Puel, c’est lui, le disjoncteur qui risque de prendre la surtension. Quoiqu’à l’ASSE, ce soit plutôt un problème de sous tension…
Passons sur l’inaction des actionnaires jusqu’à et après ce triste week-end, sur la discrétion de leur directeur, loin d’être le général qu’ils espéraient, mais comment ne pas bouillir devant l’absence de réaction des joueurs, leur passivité, l’absence de courses, de présence dans les duels, le manque de combativité, de solidarité. Comment ne pas exploser quand on entend Krasso expliquer « ne pas avoir la solution »?. Comment ne pas se désespérer en constatant que Batlles ne l’a pas non plus. Il a multiplié les systèmes, changé les hommes, en a écartés puis rappelés. En vain. Il s’est donné le bâton pour se faire battre avec des recrues qu’il connaissait et sont loin d’être des renforts, même pas des joueurs du niveau de la Ligue 2 pour quelques uns. Il a aussi choisi son staff, un adjoint plus proche du foot amateur qu’un stimulateur, des gentils comme lui, qui a trop souvent avoué son impuissance, sans jamais mettre en cause un groupe incapable d’appliquer ses idées. A l'avenir on aimerait l’entendre hurler sur son banc, le découvrir les dents serrées au moment de commenter les prestations de ses joueurs. On préférerait qu’il veuille mettre à profit la trêve du Qatar pour monter un stage commando dans un pays chaud, mais lui a peur du coup de froid au retour… On aimerait tant qu’il ranime la flamme. Pour tous ceux qui pleurent aujourd’hui leur Sainté.
Didier Bigard