« C’est l’entraîneur qui perd, ce sont les joueurs qui gagnent ». Non, ce ne sont pas les mots de Claude Puel ou d’un autre des coachs qui n’ont pas passé l’hiver, mais Pascal Dupraz. Il l’a même dit et répété après l’élimination de la Coupe de France qu’il a endossée « Je n'ai pas su trouver la solution contre Bergerac. J'ai fait de mauvais choix et mal appréhendé l'évènement ». Comme nous lui laissions entendre nos doutes sur ce plaider coupable, il a insisté « Face aux joueurs aussi, j'ai pris cette défaite pour moi »… sans complètement nous convaincre. En cette période tourmentée, sa volonté était certainement surtout de protéger ses joueurs de la colère des supporters. Il savait qu’après avoir eu gain de cause avec le départ de Puel, les kops n’allaient pas se contenter de déverser leur trop plein de rancoeur contre les actionnaires. Il ne se trompait pas, preuve quelques banderoles samedi mais sa stratégie a fonctionné appuyée par un discours guerrier qui plaît à Sainté. « On a besoin de onze joueurs qui vont au casse-pipe », le rappel de l’importance des supporters, ici plus qu’ailleurs « Je confirme qu’ils apporteront dix points » et la nécessité « de les reconnecter » avec l’équipe.
Les mots ne peuvent toutefois pas suffire, il le soupira (à nouveau) sans détours lors de son point presse, jeudi dernier, à des journalistes devant lesquels il ne vient que « pour respecter la règle »… « Parler ne sert pas à grand-chose » et il préfère être auprès de ses joueurs qualifiés au passage de « Très bons gamins ».
Parce qu’il n’est « plus un puceau », comme il l’a confirmé après le succès sur Montpellier, on avancera que chaque phrase est bien pesée. Il fait tout pour mobiliser joueurs et spectateurs, pour créer ou raviver un climat plus stéphanois. Pas un hasard s’il saisit au bond une question sur le retour des supporters aux entraînements «Dès que ce sera permis j’en ferai la demande (auprès de Jean-Francois Soucasse).
Dupraz a pris des risques mais a assuré ses arrières et la première de Mangala
S’il a bien saisi le contexte vert, il serait toutefois réducteur de ne voir en lui que le meneur d’hommes vanté par Sydney Govou qui l’a côtoyé à Evian-Thonon. Il a des idées et pas seulement pour rendre vivantes, poignantes ou mobilisantes ses causeries d’avant-match. Il prend même des risques comme avec cette défense à trois dont il n’est pas fan « mais actuellement préférable parce que l’équipe a pris trop de buts ». Il est même allé encore plus loin face aux Montpelliérains en assurant ses arrières autant que la première de sa recrue la plus cotée du mercato Élia Mangala associé à Falaye Sacko qu’on attendait plutôt dans le couloir droit. Objectif, compenser un éventuel manque de compétition du premier par la vitesse du second revenu de la CAN où il a d’ailleurs joué dans l’axe avec le Mali.
Le risque, c’était aligner Yvann Maçon et Timothée Kolodziejczak sur les cotés. Le premier reste loin d’avoir retrouvé sa meilleure forme, le second n’est ni vraiment le plus véloce, ni candidat pour le poste. Mais là encore, Dupraz a géré en jouant sur le temps de jeu de l’un, en soulignant le travail de l’autre. Il sait préserver les égos, comme lorsque revenant sur la sortie de Ryad Boudebouz, il relève qu’un autre jour, ce sera peut-être Wabhi Khazri qui laissera sa place. Parce que c’est tout le groupe qui sauvera le club, parce qu’il entend bien profiter de toutes ses forces avec plus de quarante joueurs à sa disposition (ou trente car quelques jeunes ne seront plus trop appelés après le recrutement de sept éléments et des retours). Samedi, le successeur de Puel a eu tout juste avec les rentrées de Nordin, Hamouma, Aouchiche, des joueurs techniques, et du talent, ajouté à celui de Khazri. Dupraz a raison quand il dit que ce sont les joueurs qui gagnent un match, raison quand il souligne le poids du public de Geoffroy-Guichard qui a impressionné même le bourlingueur Rolland Courbis. Mais il a tort quand il minimise son rôle au point de laisser croire qu’il fait preuve d’une modestie excessive. A moins que ce ne soit de la prudence, celle qui sied quand on est à cette place. »
Didier BIGARD