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ASSE – Exclu But ! : ses souvenirs de président, la vente du club… Alain Bompard se confie

Ancien président de l’ASSE, de 1997 à 2004, Alain Bompard (78 ans) évoque ses souvenirs stéphanois, son attachement aux Verts et la mise en vente du club.

But ! : Alain Bompard, les retrouvailles avec vos joueurs que vous avez invités chez vous dans le Lubéron début septembre ont dû faire remonter bien des souvenirs…

Alain BOMPARD : Oh là là, que de beaux souvenirs ! J’ai été reporté vingt ans plus tôt. Ça a été une journée de rêve, extraordinaire, forte en sentiments et en amitié. Ce groupe était une famille, un vrai bonheur.

Qu’est-ce ce qui vous revient d’abord de cette époque ?

Mon premier souvenir est celui des hommes, le souvenir de Guy Lavaud qui arrive avec moi à Saint-Étienne avec Santo Domingo. On n’a pas de projet pas d’argent, c’est un pari, mais notre amitié est tellement forte qu’on se dit, « qu’est-ce qui peut nous arriver ? Puis il y a la rencontre avec cet homme pour le moins particulier, Gérard Soler, le technicien, et avec lui tout devenait possible. C’était pourtant des circonstances complètement folles. Avec Guy Lavaud qui était plus que mon frère, nous avions rencontré les élus. Ils nous avait assez mal accueillis. Ensuite, à 19h, nous étions allés au stade. Pierre Repellini nous en avait ouvert les portes et nous nous étions assis en tribune. Et là, nous nous étions dit « On ne quitte plus cette maison ».

Qu’est-ce qui vous a amené à la présidence ?

Tout commence avec mes liens avec Saint-Étienne. Ma femme est stéphanoise, mon fils est né à Saint-Étienne et a toujours été un fondu des Verts. A chaque fois que je voulais le récompenser pour des résultats scolaires, il me disait « Emmène-moi voir les Verts ». Quand j’arrive à Saint-Étienne, il vient de réussir brillamment l’ENA et je me dis que dans quelques semaines, il va m’expliquer la vie, mais que si je réussis dans ce club, je vais prolonger un peu le rapport père-fils en lui faisant comprendre que le papa n’est pas encore mort. C’est en grande partie cela qui m’a poussé et bien sûr ma passion pour le football.

« Personne ne voulait du club. Tous les rats quittaient le navire »

Vous n’avez pas eu peur de ce pari ?

Ah, bien sûr que si. J’avais réuni toute ma famille en expliquant que leur père et mari était devenu fou et que je ne savais pas si je m’en sortirais. Je pensais même que je ne m’en sortirais pas. Ils m’ont répondu « Ce n’est pas grave si tu perds les sous que tu as gagnés, c’est toi qui les a gagnés. » Mais après une semaine au club, le père Fayet (comptable) vient me voir pour m’expliquer qu’il y a les paies à faire et que les banques ne suivent pas. Je lui demande ce qu’il faut faire et il me répond que c’est ce qu’il attend de moi. Alors nous avons vendu notre maison de famille. Oui, la peur je l’ai eue et même jusqu’au dernier match de cette première saison, le 8 mai 1998, à Lille où j’ai senti le boulet de la descente en National. On devait gagner ou au moins faire un nul pour se maintenir. On perd et tout est fini quand soudain je vois mon fils Alexandre débouler de la tribune, trébucher et hurler « On est sauvé ». Je le crois fou mais non, Reginald Ray avait marqué en fin de match avec Le Mans face à Louhans. Et c’est Louhans qui descendait. Je n’oublierai jamais le nom de Reginald Ray.

Vous parliez de circonstances folles à votre arrivée. C’était dû à la situation financière du club ?

A l’époque les dirigeants et les élus cherchaient désespérément un repreneur. Personne n’en voulait. Notre seul concurrent était Constantin qui leur avait un peu mis le couteau sous la gorge et ils pouvaient difficilement faire les cadors. Tous les rats quittaient le navire. Quand, par la suite, je voyais certains gonfler les pectoraux, faisant preuve de suffisance, ça me faisait sourire. Ils avaient des exigences mais pas les moyens de les avoir. Soit ils déposaient le bilan, soit ils acceptaient la seule vraie proposition qu’ils avaient, la nôtre. Il y avait dans la direction du club, des personnalités « marquantes ». Pour eux, la question, ce n’était pas le dépôt de bilan mais notre arrivée. Il aurait fallu être stéphanois pour reprendre le club, pourquoi pas d’ailleurs, mais pas venir de l’extérieur. C’était contre-nature.

 

Et les élus dont vous disiez qu’ils vous avaient mal accueillis ?

Je me souviens de Pascal Clément, président du conseil général (départemental aujourd’hui NDLR). Il avait demandé à Santo Domingo quels étaient ses moyens, et quand celui-ci a énuméré la liste des sociétés possédées par sa famille en Colombie et Amérique du Sud, Clément faisait mine de renifler, allusion à la drogue. Santo Domingo s’en est aperçu, lui a suggéré d’appeler l’ambassade pour se renseigner. Ce n’est pas un très grand souvenir. Il y a eu aussi ce qui s’est passé lors de notre deuxième réunion. J’avais claqué la porte et Didier Degraewe (alors expert comptable du club) m’a rattrapé dans le couloir en me disant « On a besoin de vous ». 

« Potillon me prenait par les épaules et me disait « On va vous sortir de là président » »

Combien alors avez-vous payé pour reprendre le club ?

On n’a rien payé, mais on a épongé le passif. Il était de 43 millions, mais à chaque fois qu’on ouvrait une armoire, on trouvait une catastrophe. Un coup, c’était un agent qui ne faisait pas partie de la liste des créanciers qui révélait ne pas avoir reçu sa commission promise par un ancien président. Catastrophique, oui, on ne peut pas dire autre chose. Par chance, Gérard (Soler) a vendu Zoumana Camara à Milan puis Grondin à Arsenal. Il y a eu aussi l’arrivée de Robert Nouzaret après le dernier match à Lille. Il a su mettre de l’huile dans le groupe qu’on a créé. Ensuite, tout s’est enchaîné, le public, les résultats, l’arrivée de sponsors, les droits télé qui commençaient à monter. On avait aussi réussi une série de 22 matches sans défaite. La première de la saison c'était en décembre à Guingamp.

Compte-tenu de l’évolution du football, pensez-vous qu’il serait possible aujourd’hui de reprendre un club dans les mêmes conditions que vous l’avez fait à l’ASSE ?

Ce n’est pas impossible, peut-être plus difficile. Je pense que tout commence avec les joueurs et je ne sais pas si avec la folie de l’argent, ils peuvent garder les pieds sur terre comme les avaient leurs aînés. Eux ne gagnaient pas grand chose, par rapport à aujourd’hui, mais ils avaient l’amour de leur club avec leur entraîneur, le président, les administratifs. Moi, quand j’avais les larmes aux yeux après une défaite, il y avait Potillon qui me prenait par les épaules et me disait « On va vous sortir de là président ». Je me souviens aussi de Guillou appelant sa femme après le match à Lille et lui disant « On a de quoi manger la saison prochaine. On reste en D1 ». Maintenant, avec l’argent, c’est très compliqué. Le monde est devenu fou. Qui pourra arrêter le PSG quand ils seront lancés ? On est allé beaucoup trop loin. On aurait dû réglementer tout ça à un certain moment.

« Si tu n’es pas accessible, le public te le fait payer »

Suivez-vous toujours les résultats de Saint-Étienne, et êtes-vous inquiet pour l’avenir ?

Je ne dirais pas ça. Tout peut aller très vite. L’équipe est jeune et peut trouver le rythme, Puel les solutions et le bon discours. Ce qui me gêne, c’est que je ne trouve pas une identité dans cette équipe. Il y a de bons joueurs, mais pas d’identité. J’en ressentais une avec l’équipe de Galtier et avec la nôtre, même en deuxième division. Les 30 000 supporters qui venaient au stade connaissaient tous Sablé, Potillon, Guillou, avant même les Brésiliens. Je faisais très attention à ça et jamais je n’aurais fermé les portes des entraînements par exemple, même si, parfois, ce n’est pas facile. Les gens qui viennent voir les joueurs repartent contents, avec une photo, une signature. Le foot, c’est un spectacle. A plus de 80 ans, Belmondo répondait encore « il n’y a pas de problème «  quand on lui demandait une photo. Si tu n’es pas accessible, le public te le fait payer.

On parle beaucoup de la vente du club. C’est un sujet que vous devez suivre ?

Non, pas du tout. Personne ne me l’a demandé. Romeyer m’avait dit que c’était une possibilité, mais ça dépend de qui tu as en face. Avoir de l’argent ne suffit pas. Il faut s’investir totalement, aimer le club et être bon. La personnalité du repreneur est importante et il te faut investir 50 millions si tu veux avoir une équipe capable de finir entre la quatrième et la sixième place. Plus haut, il faudrait d’énormes moyens, mais l’ASSE ne doit pas se situer plus bas. Un bon président, c’est comme un bon entraîneur. Lorsqu’Alain Perrin a été remercié, Philippe Masseguin m’avait dit que son adjoint était meilleur. Galtier est en effet un type au-dessus de la moyenne, un grand entraîneur. Sur le banc, on voit ses colères, ses joies. Il n’est pas neutre.

« Platini m’avait dit « Vas-y Bompard, tu vas vivre les plus belles années de ta vie. Saint-Étienne, c’est unique » »

 

Si un repreneur vous demandait conseil ?

Si j’éprouve de la sympathie pour lui, je l’aiderai, lui donnerai les codes qu’il faut bien connaître à Saint-Étienne. C’est une ville qui ne ressemble à aucune autre. Les gens y sont différents, ni comme dans le Sud, le Nord ou l’Est. Ils sont à part. Moi, je les aimais vraiment, et si tu les aimes vraiment, ils peuvent t’emmener très haut. C’est un peuple de supporters capable de faire de grandes choses comme en octobre 1998 avec 90 000 spectateurs en trois matches en une semaine, deux fois Gueugnon puis Valence.

Et si c’était un proche qui voulait reprendre l’ASSE ?

Je lui dirai « Oui, fonce ». Moi, j’avais marqué un temps d’hésitation et c’est Platini qui m’avait poussé en me disant, un jour en prenant un café dans un petit village, après les funérailles d’un ami « Vas-y Bompard, tu vas vivre les plus belle années de ta vie. Saint-Étienne, c’est unique »

Quand on parle de proche, on pense bien sûr à votre fils Alexandre auquel Patrick Guillou a adressé un petit clin d’œil à ce sujet ?

C’est l’éternelle histoire du fond et de la forme. Alexandre en rêve, serait tellement fier de prendre la suite de son père, mais il a d’énormes responsabilités qu’on ne quitte pas du jour au lendemain. Je ne dis pas qu’il n’ira jamais, car je n’en suis pas sûr. Plus tard, peut-être, quand il aura assis sa situation… Il serait capable de trouver un partenaire, des investisseurs et d’en être le leader. Mais aujourd’hui, il est dans une autre spirale, celle des affaires, de l’économie. Ce qui n’est pas discutable, c’est son attachement à cette ville.

Entretien réalisé par Didier Bigard 

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