« A Saint-Étienne, on aime bien attendre les dernières heures du Mercato. Au moins Pascal Dupraz est-il prévenu » avions-nous conclu cette rubrique il y a deux semaines. Nous aurions aimé que ce mois de janvier nous donne tort. Mais il en va de cet hiver comme de l’été dernier, comme de toutes les saisons de toutes les saisons stéphanoises. En août on espère la bonne affaire en attendant les soldes et six mois plus tard, c’est au fond des placards poussiéreux des réserves qu’on espère la perle oubliée. Sans y mettre trop cher.
Histoire de tailler à Claude Puel un costume à la dimension de ceux offerts à ses prédécesseurs, de Christophe Galtier disqualifié, à Ghislain Printant qualifié d’éternel numéro deux, Roland Romeyer a affirmé qu’il avait eu toute latitude pour bâtir l’équipe « On en avait parlé avec mon associé en juin. On avait les moyens de recruter. Des joueurs voulaient rester, d’autres étaient disponibles. C’était un choix du manager général. Ce que l’on n’a pas dépensé l’été dernier, on va le dépenser maintenant. L’argent était prévu au budget ».
Nous avions des doutes, ils n’ont pas été levés par les arrivées de Joris Gnagnon, Bakary Sako, Sada Thioub, ou même Eliaquim Mangala, plus cher défenseur du monde en 2014, mais qui n’a disputé que 38 matches en quatre ans et demi comme l’a rappelé Canal Plus. On souhaite à tous le meilleur parce que l’avenir du club en dépend mais on est en droit d’évoquer leur manque de compétition, sinon de compétitivité. Inutile de remonter loin dans le temps pour étayer cette prudence. Les passages d’Anthony Modeste ou Panagiotis Retsos ont été un succès pour le corps médical de la ville, pas pour l’ASSE, et on a compris que Dupraz avait quelques interrogations sur l’état de forme de Gnagnon. Que les supporters croisent les doigts, très fort et très vite parce que le temps presse, c’est un euphémisme après les résultats de ce week-end.
Il ne suffira pas, pour marquer des points, de caresser les supporters dans le sens de leurs poils hérissés
La semaine dernière nous appelions à passer des paroles aux actes, à donner les moyens promis pour recruter, après avoir annoncé que Dupraz devrait se battre pour obtenir des renforts. A-t-il été assez fort pour cela ? Les conditions de son arrivée ne lui ont pas donné les mêmes armes qu’à Jean-Louis Gasset, parce que contrairement à l’ex-adjoint de Laurent Blanc, lui était en demande, parce que le maillot vert le fait rêver depuis ses jeunes années. De là à faire des concessions ?
On ne peut que saluer sa solidarité avec sa hiérarchie, appuyée dans une interview au Progrès « Loïc (Perrin) est exceptionnel. Jeff (Soucasse)… c’est un grand président. Samuel (Rustem)… est d’une intelligence rare. Je ne peux pas m’engueuler avec eux, on n’a pas le temps, on a quatre mois à vivre. Il faudrait vraiment que l’on soit con pour s’engueuler ». On espère que tout le monde affiche le même état d’esprit et que personne dans le club ne joue contre son camp. Nous n’en sommes pas persuadés. Dupraz a, lui, noté quelques dysfonctionnements si on en juge sa déclaration après le derby « Il faut qu’on soit plus fermé dans notre communication sur le recrutement ». On ajoutera qu’il aurait fallu être plus cohérent, coller aux manques, recruter un attaquant et un défenseur avant un gardien qui, sans mettre en cause ses qualités n’a pas rapporté plus de points que ne l’aurait fait Stefan Bajic ou Stéphane Green. Tout au plus Paul Bernardini insuffle-t-il sa confiance inébranlable « Quitte à passer pour un con, je le ressens, on va se maintenir » dans la lignée du calcul de Pascal Dupraz « une chance sur deux de se maintenir »!
Mais cela ne suffira pas pour marquer des points, pas plus que de caresser les supporters dans le sens de leurs poils hérissés. Ce sont des buts qu’il faut. Quatre mois pour vivre? Non, survivre. »
Didier BIGARD