ASSE – Le rendez-vous de Didier Bigard : « Nicollin aurait peut-être bien aimé avoir des Green Angels et des Magic Fans derrière son but ! »
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Par
Laurent Hess
Après les événements qui ont conduit à l’interruption du match entre Montpellier et l’ASSE, Didier Bigard pointe le comportement des supporters du MHSC, alors que ce sont les Ultras stéphanois qui sont sous la menace d’une dissolution…
« Pour avoir suivi l’ASSE pendant plus de 40 ans et encore aujourd’hui, nous avons vu émerger le mouvement ultra, terme prêtant d’ailleurs à confusion, car définissant plus le soutien inconditionnel de ses membres que le positionnement de ces groupes tels qu’on pourrait l’utiliser pour parler d’ultra gauche ou droite. La nostalgie fait souvent passer pour idyllique les ambiances des décennies 50 à 80. La comparaison ignore les affluences alors globalement bien moindres et les déplacements de supporters inexistants, ignore aussi que la violence s’exprimait plus gravement mais en d’autres lieux. Quant aux insultes qu’on doit combattre, elles n’ont pas surgi des gradins avec la création des groupes de supporters. Combien de spectateurs respectables se sont-ils surpris à invectiver arbitre et adversaires au cours d’un match, pris dans un effet de groupe? Magic et Green ont-ils amplifié le phénomène ? Sans doute puisqu’ils ont d’abord fait gonfler les affluences et donné plus de résonance aux encouragements devenus chants. Et oui, il y a eu des débordements, des prises de position anti système, traduction de conflits de générations qui peuvent apparaître risibles quand on voit les gamins, meneurs ultras d’hier devenus notables bien installés aujourd’hui. Anti institution et donc anti presse ils n’ont pas été des interlocuteurs faciles. Nous avons eu droit à des banderoles, à des chants pas flatteurs, à des incursions dans nos bureaux, à des conflits larvés. Nous avons fâché quelques uns de leurs membres en écrivant qu’ils jouaient aux cow-boys tel des bandes de quartier et qu’ils étaient des casse bonbons alors qu’une dizaine d’entre eux avaient fait irruption dans nos locaux. Nous avons toujours été très critiques sur leurs excès de violence, contre des visiteurs, contre leur propre équipe au retour d’un match, contre des stations service etc. Nous sommes prudents sur l’utilisation de fumigènes quand eux le sont moins, dénonçons les interruptions de match provoquées. Nous déplorons les pertes d’énergie à insulter la Ligue, l’adversaire ou le voisin, le manque d’imagination dans le vocabulaire. Mais derrière tout cela, il y a justement une créativité incroyable mise dans la confection des tifos, dans leur organisation, dans l’animation des tribunes. Pour le comprendre emmenez vos enfants ou petits enfants un soir à Geoffroy-Guichard et vous verrez que leurs yeux s’illuminent devant le spectacle son et lumières des kops plus que pour celui du terrain. Demain, ils voudront les rejoindre, après-demain s’abonner. Leurs oreilles chastes vont-elles souffrir? Pas plus qu’à l’école, dans la rue, hélas, on est d’accord.
« Dissoudre, c’est favoriser la création de groupuscules qui n’attendent que ça »
L’éducation ne peut prétendre se faire dans un stade ce qui ne signifie pas qu’on n’y apprend pas une forme de respect, en témoignent les minutes de silence qui sont de cathédrale et toutes les actions de solidarité menées par les groupes ultras, mobilisateurs bien au delà des tribunes. Il y a aussi ce respect de la différence, base d’un public, même s’il serait moins controversé avec des chants moins ciblés venus d’un autre siècle et devenus trop communs. Mais on ne dissout pas un groupe pour cela, même pas pour des débordements condamnables, des troubles à l’ordre public qu’eux qualifient, un peu hâtivement c’est vrai, de supposés troubles…
Dissoudre un groupe, ce n’est pas seulement supprimer ce qui fait la ferveur d’un stade, sa couleur. C’est disséminer les troupes, favoriser l’éclosion de groupuscules qui n’attendent que ça, éparpiller les responsabilités, se priver d’interlocuteurs, de meneurs capables d’empêcher tout un kop de descendre sur la pelouse quand les latérales, elles, débordent. À Montpellier, Laurent Nicollin et Jean-Louis Gasset auraient peut-être bien aimé avoir des Green et des Magics derrière leur but. Même réclamant une équipe digne de son public ou fêtant le doublé de Stassin avec un humour désappointé. Dissoudre, c’est se passer de modérateurs potentiels même si on peut estimer qu’ils ne remplissent pas assez bien cette dernière fonction. Qui le fait et le fera mieux qu’eux ? »
Didier Bigard