Droits TV - Analyse : à jouer au plus malin, le football français a déjà tout perdu
par Benjamin Danet
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Droits TV - Analyse : à jouer au plus malin, le football français a déjà tout perdu

Incapable de signer un contrat digne de ce nom avec un diffuseur pour la période 2024-2029, la Ligue de Football Professionnel plonge les clubs de L1 et de L2 dans le plus grand embarras.

On ne sait toujours pas si Vincent Labrune, le président de la Ligue de Football Professionnel, et les présidents de clubs de L1 et de L2 étaient rivés sur leur écran télévisé dimanche soir. Sur TF1, plus précisément, qui avait programmé dès 21 heures le film "Titanic", oeuvre magistrale de James Cameron qui rappelle, depuis plus d'un siècle, à quel point la suffisance des hommes peut parfois déboucher sur un terrible drame. Pas de morts, cette fois, et heureusement, mais un naufrage annoncé : celui du football français. Qui par la suffisance, et l'aveuglement, de plusieurs de ses dirigeants, se demande si il ne va pas provoquer la disparition de quelques clubs et la perte de centaines d'emplois dans les prochaines semaines.

Si facile d'attaquer Canal +...

En cause, comme vous le savez, l'incapacité de la LFP à trouver un diffuseur pour les cinq prochaines années (2024-2029). En cause, comme vous le savez, le modèle économique de la plus grande majorité des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 qui repose presque exclusivement sur les droits TV. Que le chantier ait été lancé il y a des mois, peu importe. Que Vincent Labrune ait essuyé une multitude de refus et de couacs, peu importe. Que les présidents de clubs, à l'exception du PSG qui appartient à un Etat, aient tous eu la possibilité de s'interroger sur le bien-fondé d'une telle dépendance aux droits télévisés, peu importe.

Dans le petit monde du football français, la remise en cause, ou en question, n'est pas de sortie. Pas le genre de la maison. On se cabre, on ignore les doutes et on assène ses certitudes. Vincent Labrune, dans le colonnes du Monde : "Les critiques, cela commence à me casser les oreilles. Mon travail est de me battre jusqu'au dernier souffle pour défendre l'intérêt de nos clubs. Si nous perdons cette bataille, je le dirai et je l'assumerai. Laissons-nous une chance de réussir. " Laurent Nicollin, président de Montpellier, dans les colonnes de l'Equipe : "Apparemment, Canal+ veut tuer le football français. Soit. On prend note. Moi personnellement, je prends note. Si ce n’est pas le tuer, c’est au moins l’affaiblir et lui faire du mal. Peut-être qu’ils estiment qu’on leur a fait du mal. Mais dans la vie, quand on se sent lésés par quelque chose, on prend des rendez-vous on discute avec les gens."

On rappellera donc à Messieurs Labrune et Nicollin que la bataille, à moins d'un miracle, de dernière minute, est déjà perdue. Que le fameux plan B, à savoir une chaîne de la Ligue avec un prix exorbitant (30 euros) et un nombre totalement illusoire d'abonnés (2 millions) ne rapportera que 530 millions d'euros la première année et non 900 comme espéré. Que Canal +, qui veut paraît-il tuer le football français selon Laurent Nicollin, a depuis des années été baladé par la LFP, et même lésé en payant beaucoup plus cher qu'Amazon pour quatre fois moins de matches diffusés (332 millions par saison contre 250). A vouloir toujours plus d'argent, à se "griller" avec un partenaire historique du football français, la LFP et les présidents de clubs ont aujourd'hui perdu le match. Dans les règles et par leur faute. 

"Ils se sont mal comportés"

Dommage tout de même que ce petit monde n'ait pas su, comme on l'a dit, se remettre en cause. Ne pas comprendre qu'il était dangereux, parfois, de toujours aller au plus offrant en reniant les grands accords du passé. Ne pas accepter l'idée qu'un budget prévisionnel établi chaque année avec une telle prépondérance des droits TV était au fond très dangereux. Sur les ondes de RMC, Christophe Dugarry, qui a longtemps œuvré sur Canal +, a récemment donné son point de vue. Et on est pas loin de partager son analyse.

"Un coup c’est Nicollin qui y va de sa petite phrase contre Canal, un coup c’est Labrune… Bah écoutez, qu’est-ce que vous voulez que je dise? Ils ont le retour de manivelle de ce qu’ils ont fait. Ils se sont mal comportés. Ils ont été d’une arrogance. Je parle de la Ligue au sens général parce qu’il y a eu plusieurs présidents différents. La Ligue a eu une arrogance, a été d’une arrogance rare vis-à-vis de Canal. Et aujourd’hui ils sont en train de le payer cher. Il y a trop d’argent depuis bien longtemps. Et comme je l’ai toujours dit, plus tu es riche et plus tu fais des conneries et plus tu dépenses mal. Là il va falloir trouver des idées, réinventer un modèle économique, réinventer un football. J’en ai marre de voir des joueurs surpayés et qui m’ennuient match après match.  Il va y avoir de la casse, c’est certain. Mais voilà, après il va falloir changer de modèle économique et il va falloir changer de façon de voir le football ou de consommer le football." Regrettable d'avoir attendu le dernier moment pour le comprendre.

Pour résumer

Incapable de signer un contrat digne de ce nom avec un diffuseur pour la période 2024-2029, la Ligue de Football Professionnel plonge les clubs de L1 et de L2 dans le plus grand embarras. Curieux, tout de même, d'avoir attendu aussi longtemps pour craindre le pire.

Benjamin Danet
Rédacteur
Benjamin Danet

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