Ligue 1
FC Nantes – François de Rugy (député de Loire-Atlantique) : « L'intérêt des clubs est de garder un public fervent »
Le mouvement ultra vit-il ses dernières heures ? De plus en plus privés de déplacement pour des motifs faisant référence à des incidents datant parfois de plusieurs années, les supporters en sont réduits à encourager presque exclusivement leur équipe à domicile ou devant la télévision.
L'instauration de l'état d'urgence n'arrange évidemment pas la donne. Et voilà que le député de l'Yonne Guillaume Larrivé (Les Républicains) souhaite encore renforcer le dispositif existant, en confiant directement aux clubs le soin d'établir des listes de supporters pour leur restreindre l'accès au stade. Cette loi, visant à “lutter contre le hooliganisme”, était en discussion début février à l'Assemblée Nationale. Le député écologiste de Loire-Atlantique Franà§ois de Rugy a participé aux débats et s'oppose à ses termes.
But! Nantes : Franà§ois De Rugy, jeudi 5 février, vous avez participé aux discussions concernant une proposition de loi déposée par le député de l'Yonne Guillaume Larrivé (LR) relative à “la lutte contre le hooliganisme”. Pouvez-vous nous résumer cette proposition ?Franà§ois DE RUGY : Cette proposition de loi ne comportait que deux articles au départ. Le premier autorisait les clubs, et de faà§on très large, à établir des fichiers. On appelle cela le traitement automatisé de données sur les supporters, ou en tout cas les personnes qui fréquentent les stades. Le second article prévoyait l'interdiction de stade qui aurait pu àªtre prononcée directement par les clubs sur la base de ce fichier en fonction d'actes ou de violences commis. Nous avons fortement souhaité amender cette proposition de loi qui ne nous paraissait pas acceptable ainsi rédigée au départ.
Les fichiers de supporters existent déjà au PSG, non ?Oui, et d'ailleurs, je ne sais pas si M. Larrivé a été inspiré par le PSG, lui qui est député de l'Yonne et, là -bas, c'est l'AJ Auxerre, or je ne pense pas que ce soit l'AJA qui a réclamé ces dispositions ! En fait, les fichiers qui avaient été constitués n'étaient pas légaux. Le Conseil d'Etat et la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) avaient considéré que ce n'était pas possible et avaient dit (aux clubs) qu'il fallait passer par la loi. Voilà pourquoi M. Larrivé a fait cette proposition. Mais nous avons été assez nombreux à dire que à§a allait beaucoup trop loin dans la rédaction que M. Larrivé avait prévus au départ.
L'arsenal juridique est-il suffisant pour régler les problèmes des supporters de foot en France ?Déjà , il ne faut pas àªtre dans le déni de réalité sur les problèmes de violence. Mais je pense que parler de hooliganisme en France, c'est exagéré ! Le nom de la proposition de loi a d'ailleurs été modifié car cela donne l'impression que tout supporter est un hooligan en puissance et qu'en France, nous serions soumis au màªme phénomène que celui qu'a pu connaà®tre la Grande-Bretagne à une époque. Or, ce n'est pas le cas. Pour autant, il ne faut pas nier des problèmes de violence, et pas simplement des débordements car on pourrait dire qu'un fumigène de trop, de temps en temps, ce n'est pas très grave. Mais vous avez encore eu, récemment à St-Etienne, un stadier ayant eu la main arrachée en ramassant un engin explosif qu'il avait pris pour un fumigène. On le sait, màªme à Nantes, il y a parfois eu des supporters visiteurs, notamment du PSG, mais aussi d'autres se réclamant de Nantes, qui ont pu commettre des actes de violence, de dégradation, et à§a, ce n'est pas acceptable. Il faut le dire clairement et se donner les moyens de pouvoir aller au stade en toute sécurité, en toute tranquillité, sans perdre le supporteurisme.
“J'ai souvenir à Nantes d'un match face à Manchester United, on avait quand màªme été impressionnés par la ferveur des supporters anglais qui n'étaient pas des hooligans !”
Mais aujourd'hui, cette loi vise clairement à anéantir le mouvement ultra !Je pense qu'il y a en effet des dirigeants de club qui ont cette idée-là et ce n'est pas bon ! L'intéràªt des clubs à moyen et long terme est de garder un public fervent et varié socialement, notamment par le biais du prix des abonnements ou des places. Des études le prouvent, vous voyez au stade des personnes qui viennent occasionnellement et sont assez passives dans leur présence, et d'autres qui sont plus engagées et le font savoir. Cela fait partie du spectacle, peut-àªtre màªme de la victoire potentielle d'une équipe d'àªtre soutenue par son public. J'ai souvenir à Nantes d'un match de Ligue des champions face à Manchester United, on avait quand màªme été impressionnés par la ferveur des supporters anglais qui n'étaient pas des hooligans ! Je crois qu'il ne faut pas perdre à§a ! A ce titre, c'est vrai que la proposition de loi comme elle a été faite au départ pouvait donner l'impression qu'on ne voyait les supporters que comme des fauteurs de trouble en puissance qu'il fallait écarter des stades simplement sur une décision des clubs. On a rééquilibré cela, et on a rajouté le fait d'avoir un vrai dialogue et une vraie reconnaissance des associations de supporters.
“Je pense que parler de hooliganisme en France est exagéré ! Le nom de la proposition de loi a d'ailleurs été modifié car cela donne l'impression que tout supporter est un hooligan en puissance et qu'en France, nous serions soumis au màªme phénomène que celui qu'a pu connaà®tre la Grande-Bretagne à une époque.”
Comment la France, qui organise l'Euro en juin, va-t-elle gérer les flux de supporters étrangers alors màªme qu'en ce moment, ceux des clubs franà§ais sont privés de déplacement presque tous les week-ends ?Selon mes informations, je crois que le gouvernement souhaiterait que l'état d'urgence soit levé (pour l'Euro) en attendant que des mesures de fond soient prises. Sur les déplacements des supporters, j'ai déjà eu l'occasion de saisir les ministres des Sports et de l'Intérieur après cette affaire incroyable à Amiens où des supporters nantais s'étaient rendus (ndlr : pour l'ultime match de la saison dernière face au RC Lens, qui évoluait au stade de la Licorne en raison des travaux à Bollaert) et se sont retrouvés en garde-à -vue pendant une nuit entière simplement parce qu'ils avaient une plaque d'immatriculation avec le chiffre 44 ou portaient une écharpe jaune et verte. C'est délirant ! C'était sur la base d'un arràªt préfectoral d'interdiction pure et simple de déplacement de supporters. Je continue à dire au gouvernement qu'il faut trouver des mesures plus équilibrées pour permettre les déplacements de supporters. D'ailleurs, si on ne le permet pas de manière officielle et encadrée, on aura des déplacements sauvages avec des gens mal intentionnés qui achèteront des billets sur Internet et s'introduiront dans les stades pour y semer des troubles. Là , les autorités ne parviendront pas à faire face au phénomène ! Il faut àªtre très pragmatique en la matière : il faut pouvoir aller au stade en toute sécurité mais, en màªme temps, il ne faut pas que le supporteurisme disparaisse.
Propos recueillis par Charles GUYARD
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