Luc Dayan
Luc DayanCredit Photo - Icon Sport
par Alexandre Corboz
ENTRETIEN

EXCLU Luc Dayan : « Arnault au Paris FC, un projet étonnant mais assez spectaculaire »

Depuis la Floride, l’homme d’affaires Luc Dayan (66 ans), l’ancien président du LOSC, du FC Nantes, du RC Strasbourg ou encore du RC Lens, qui a longtemps été le spécialiste des plans de sauvetage des clubs de foot en France, nous a accordé un entretien pour réagir au probable rachat du Paris FC par la famille Arnault et le groupe Red Bull. Un coup intelligent et politique selon lui.

But ! Football Club : Luc, vous avez dû lire l’information de L’Equipe sur le rachat du Paris FC par la famille Arnault et le groupe Red Bull. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Luc Dayan : comme tout le monde, j’ai été étonné… Mais c’est tant mieux pour le football français ! Je trouve cette possible arrivée assez spectaculaire. C’est quand même étonnant car le Paris FC est un club qui perd structurellement beaucoup d’argent. Monsieur Ferracci remet chaque année entre 10 et 20 M€ dans les caisses. Cette arrivée intervient alors que les droits TV ont lourdement baissé. Je ne sais pas du tout quelles sont les conditions de l’opération mais je pense que ça va se faire par augmentation de capital et que Monsieur Ferracci va rester dans un premier temps. J’ai le sentiment que c’est surtout un dossier éminemment politique…

Que voulez-vous dire par là ?

Raï, qui est un ami, leur avait apporté des actionnaires américains. Je sais que le dossier est en discussions depuis pas mal de temps et qu’il y a aussi un gros sujet pour l’État français avec la concession du Stade de France et le groupe Vinci qui était l’exploitant. Il ne faut pas non plus oublier que Vinci était le gros sponsor du Paris FC jusqu’à l’arrivée de Bahreïn. Quand Bahreïn était arrivé, personne n’avait cherché à comprendre à quel prix, dans quelles conditions et pourquoi ? Je pense qu’il y a un soutien du fait de la relation personnelle entre Marc Ferracci, le fils de Pierre Ferracci, et le Président Emmanuel Macron. Je pense aussi que Monsieur Macron a validé l’opération avec le fonds d’investissements CVC, qui est mécontent de ce qui passe aujourd’hui en France avec les droits TV. Il me semble que le deal se fait sur la base d’une augmentation de capital et que Monsieur Ferracci ne s’enrichira pas dans la vente du Paris FC. D’ailleurs, tout semble fait dans les règles de l’art avec une banque d’affaires sérieuse qui gère le dossier (Rothschild).  C’est un deal gagnant-gagnant qui peut relancer le football français, assurément ! Cela peut aussi créer un challenge avec le Paris Saint-Germain.

« Le Paris FC au Stade de France, ce serait parfait »

Justement, il y a une vingtaine d’années, vous vous étiez essayé à lancer un deuxième grand club à Paris…

Oui, j’avais essayé de faire monter l’Entente-Sannois-Saint-Gratien pour avoir un deuxième gros club en Ile-de-France. Je m’étais fait casser les jambes par la Ligue et la Fédération car le système n’en voulait pas. Aujourd’hui, le système est au bout. Ce projet Paris FC peut attirer du monde. Je trouve que ce qui se passe aujourd’hui est tactiquement bien fait. Derrière, il y a un vrai projet à construire…

A commencer par un changement de stade comme premier gros chantier …

Oui, Charlety n’est clairement pas un stade de foot. On nous parle de Jean-Bouin. Pourquoi pas ? Mais le vrai stade d’un grand club en Ile-de-France, c’est le Stade de France. Le Parc des Princes ? Sans un départ de PSG, je n’en vois pas l’intérêt. Et même après un éventuel départ du PSG, ce sera toujours marqué PSG. Le Stade de France est en revanche parfait. On parle d’un stade construit avec l’argent de l’État et sans jamais avoir eu de club résident. Si on a un gros club avec de gros actionnaires qui ont les moyens de faire une grosse équipe, ça paraît naturel d’aller à Saint-Denis… Et c’est même étonnant que personne n’en parle. Surtout que la concession et le rachat du Stade de France est un vrai sujet pour l’État. Je pense aujourd’hui qu’au niveau de la communication, Bernard Arnault tâte encore un peu le terrain. C’est pour ça que personne n’a communiqué jusqu’à présent. On essaie de voir les réactions suite à cette annonce.

Ce qui est malin, c’est d’arriver aussi avec le groupe Red Bull…

Oui, ce groupe a une vraie expertise dans le management des clubs de foot. Quand on voit ce qu’ils ont fait avec les clubs autrichiens, les jeunes, etc. On parle vraiment d’un allié d’une grande compétence dans le milieu du foot. Bernard Arnault arrive avec l’apport d’un groupe minoritaire, qui met de l’argent aussi et qui lui permet de bénéficier d’un gros travail de quadrillage. Alors oui, il y a une notion de multipropriétés mais si d’aventure le Paris FC retrouve l’Europe, ils ne seront pas embêtés par l’UEFA. Tout ce qui est fait est réellement intelligent et bien vu.

Au-delà de ça, l’arrivée de Bernard Arnault au Paris FC tombe au moment où le Red Star connait quelques difficultés à s’affirmer comme l’autre alternative francilienne au PSG…

C’est sûr qu’avec la faillite de 777 Partners, le Red Star est aujourd’hui dans une situation complexe. On pourrait avoir deux clubs professionnels parisiens rachetés dans un laps de temps très court… J’espère que le Red Star trouvera aussi de gros actionnaires. Avoir de grands clubs à Paris ne peut être qu’un plus dans le championnat de France. Imaginez qu’on passe d’un à trois clubs franciliens en première division, on peut aussi imaginer que les deux petits se partagent le Stade de France. Même si ça fait longtemps que j’ai abandonné le dossier de l’Entente SSG qui m’a coûté suffisamment d’argent, je verrais cette possibilité d’un très très bon œil.

« Le projet PFC va dans le sens des intérêts de tout le monde »

Et même s’il pourrait en prendre ombrage, le PSG a l’air plutôt content de l’apparition de cet autre projet parisien …

Je pense que, pour le Qatar au sens large, c’est aussi une bonne chose. Le PSG a été ultra-champion, QSI est ultra-sollicité pour les droits TV… Ce pays a déjà mis une tonne d’argent dans le foot français et commençait à arriver au bout de ses envies. La Coupe du Monde et les enjeux politiciens autour de celle-ci sont passés. Ce projet PFC va dans le sens des intérêts de tout le monde. Vraiment.

A titre personnel, avez-vous fait partie de ceux qui avaient, par le passé, tenté d’attirer Bernard Arnault dans le football ?

Pas spécialement. Maintenant, il me semble qu’on avait échangé à l’époque de Lille mais je n’en suis pas sûr. Je me souviens jusque le président de la chambre de Commerce de Lille Monsieur Dubrulle voulait que je rencontre des entreprises du Nord pour soutenir mon initiative de privatiser le LOSC. Il me semble que j’avais eu un rendez-vous avec Bernard Arnault. Mais je n’en ai pas la certitude. C’était il y a 25 ans… Derrière, je n’ai jamais essayé de l’attirer dans le foot.

Il n’en a jamais éprouvé trop l’envie non plus alors que des clubs autrement plus huppés se sont retrouvés en vente (Nantes) ou à sauver (Bordeaux)…

Oui, c’est aussi ce qui me fait dire que le choix Paris FC est d’abord politique. Sur les Jeux Olympiques, quand on a eu un souci de partenariats pour boucler le budget, LVMH a été sollicité. Ils ont mis l’argent qu’il fallait et aussi bien exploités la communication. Aujourd’hui, on se retrouve avec les mêmes acteurs, l’État et la Mairie de Paris. J’ai du mal à imaginer autre chose… Au niveau du calcul et des enjeux transverses, c’est mieux vu d’aller sur le PFC que sur d’autres clubs.

Pour finir, vous êtes aujourd’hui dans le basket avec le club parisien des Mets 92 en National 1. Est-ce qu’un nouveau retour dans le football vous tenterait ?

Le basket, c’est aussi et surtout une histoire perso, affective vis-à-vis de Charles Biétry. C’était l’époque où on a fait rentrer Canal+ au PSG, avec le club omnisport. Les Metropolitans, c’était « notre » équipe de basket et quand j’ai appris que le club allait s’effondrer, je me suis dit que je ne pouvais pas laisser ça comme ça. J’essaie de maintenir cette marque-là et d’attirer des actionnaires américains assez sympa. Si on peut les faire remonter en Pro B…

Pour ce qui est d’un retour dans le foot, non. J’ai 66 ans et je suis à un autre moment de vie. Mes derniers dossiers dans le foot, c’était Bastia avec la société coopérative que je suis toujours un peu mais pour le reste, je fais davantage dans la production audiovisuelle. J’ai notamment travaillé sur la série « La fièvre » dans sa partie foot. Pour ce qui est du football français, j’ai des difficultés avec le système et le mode de fonctionnement. Si on m’appelle, avec des gens sérieux et qu’on a besoin de moi, pourquoi pas ? Mais honnêtement j’en suis très très loin…

A lire aussi sur le sujet du rachat du Paris FC : 

Paris FC, c’est quoi le projet avec Arnault et Red Bull ?

 

 

 

Pour résumer

Depuis la Floride, l’homme d’affaires Luc Dayan (66 ans), l’ancien président du LOSC, du FC Nantes, du RC Strasbourg ou encore du RC Lens, qui a longtemps été le spécialiste des plans de sauvetage des clubs de foot en France, nous a accordé un entretien pour réagir au probable rachat du Paris FC par la famille Arnault et le groupe Red Bull. Un coup intelligent et politique selon lui.

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